mardi 21 mars 2023

Sortie d'hibernation

Cela fait déjà deux ans que les derniers articles de ce blog avaient été postés à l'occasion des "congés" forcés que la COVID nous avait imposés. Depuis, l'activité du restaurant a repris de plus belle et trouver du temps à consacrer à Sauvagement Bon est de nouveau devenu trop difficile.

Et pourtant, aujourd'hui, le blog sort de son sommeil pour une annonce : le lancement des sorties "plantes sauvages comestibles" que nous organisons mon associé et moi dans le cadre de notre restaurant localisé à Lamballe, dans les Côtes d'Armor.

Et voici les détails :

Ces sorties commencerons dès le dimanche 16 avril et jusqu'en juin. Le restaurant La Tête Noire en organisera toutes les 2 semaines à Lamballe ou dans ses environs.

Elles seront animées par moi-même et mon associé du restaurant.

Chaque session se divisera toujours en deux parties :

1. La promenade découverte.

Rendez-vous par vos propres moyens aux alentours de 9h directement sur le site de promenade (entre 500m et 10km du restaurant selon le site). L'heure exacte ainsi que l’adresse du site seront communiquées aux contacts du groupe au minimum une semaine avant la session. Une présentation générale du déroulement et les consignes de sécurités seront dispensées avant d’effectuer la promenade (2 à 3 km maximum).

Au cours de celle-ci, les plantes sauvages comestibles, toxiques ou remarquables rencontrées vous seront présentées. Nous en cueillerons quelques-unes et pourrons même en déguster un ou deux directement sur place.

2. Cuisine et repas.

Rendez-vous ensuite au restaurant. Celui-ci étant situé en centre-ville, l'utilisation des véhicules personnels est à prévoir pour le rejoindre depuis les sites les plus éloignés (tout au plus quelques kilomètres, penser covoiturage).

Sur place, après un apéritif maison offert (apéritif sauvage bien entendu), les plantes cueillies durant la balade et d'autres cueillies par nous-mêmes au préalable seront cuisinées "en live" avec présentation des recettes et dégustation au cours d'un repas convivial (boissons non comprises hors eau et apéritif).

Fin de la session entre 14 et 15h.

Chaque sortie s'effectuera avec un groupe de 20 participants maximum pour 2 encadrants.
Prévoir une tenue adaptée à la promenade en milieu naturel et à la météo du jour (imperméable, coupe-vent, parapluie, chapeau, crème solaire, etc.), un couteau pliant (type opinel), un panier ou des sacs en tissus/papier et éventuellement de quoi prendre des notes.
Prévoir également une gourde ou une bouteille d'eau et un petit sac à dos.

Tarifs : 50 euros par participant, 30 euros pour les enfants de moins de 12 ans. Concernant la participation des enfants, la compréhension des risques liés à la toxicité de certaines plantes est nécessaire.

Inscription par e-mail : latetenoire22@gmail.com

Formulaire d'inscription disponible [ICI].

Site du restaurant [ICI].

Page Facebook du restaurant [ICI].

Les organisateurs se réservent la possibilité d'annuler une sortie si le nombre de participants n'atteint pas un minimum de 10 adultes.

samedi 10 avril 2021

Blanc ou rouge, le compagnon, c'est bon !

Les silènes sont des plantes que je n'ai commencé à apprécier que très récemment. Bien entendu, j’avais déjà eu auparavant l’occasion de cueillir et de goûter les feuilles du compagnon rouge et celles du compagnon blanc et même de les cuisiner, mais hormis leur légère amertume, elles ne m’avaient pas laissé de souvenir impérissable. Je me suis d'ailleurs rendu compte que la plante n'avait pas encore fait l'objet d'un article sur le blog.

C’est finalement l’an dernier, à l’occasion du premier confinement que j’y suis revenu. En effet, bien qu’habitant désormais dans la campagne bretonne, le kilomètre autorisé à l’époque ne me permettait pas d’avoir accès à toutes les plantes que je cueillais habituellement au printemps, soit parce qu’elles étaient tout simplement absentes du périmètre, soit parce qu’elles n’étaient pas présentes en quantité suffisante pour supporter une cueillette. Faute de pouvoir élargir mon périmètre de recherche, j’avais donc élargi mon éventail des espèces et c’est ainsi que les compagnons se sont rappelés à moi. A l'époque, j'avais testé les feuilles juste blanchies et en tempura, réussite dans les deux cas.

Compagnon rouge ou silène dioique (silene dioica).
Ses fleurs rouge-rosé à 5 pétales échancrés sont caractéristiques, tout comme le calice enflé dans lequel elles s'insèrent. A l'origine, dans la mythologie grecque, Silène était le père adoptif de Dionysos, dieu de la vigne et du vin. Silene était représenté sous forme d'un satyre bedonnant et adepte de la boisson. C'est donc probablement à l'aspect bedonnant de leur calice que les silènes doivent leur nom.

Il pousse principalement 3 espèces de silènes autour de la maison : le compagnon rouge (silene dioica), le compagnon blanc (silene latifolia) et le silène enflé (silene vulgaris). Pour la cuisine, je ne retiens que les deux premiers, le silène enflé a en effet des feuilles trop petites et pas assez tendre pour être intéressant. Avant floraison, compagnons rouges et blancs sont visuellement très proches. Autour de chez moi, c’est le compagnon rouge qu’on voit d’abord fleurir, suivi de deux ou trois semaines par le compagnon blanc. Il semble que les deux espèces s’hybrident assez facilement, raison pour laquelle on en trouve avec des fleurs allant de toutes les nuances du blanc lumineux au rouge-rosé le plus vif.

Compagnon (silene sp.), probablement compagnon rouge (silene dioica).
La plante est velue, plus particulièrement les tiges. Les feuilles caulinaires (sur la tige) sont opposées et n'ont plus ou presque plus de pétiole alors que les basales en ont un. Leurs nervures arquées sont caractéristiques.

La cueillette des feuilles se fait du stade où la plante est à l’état de rosette jusqu’au stade ou elle commence à monter, avant apparition des boutons floraux. Du fait de leur amertume, elles devront d’abord être blanchies en les cuisant 5 bonnes minutes dans de l’eau bouillante, en les plongeants ensuite dans de l’eau glacées, puis en les égouttant et finalement en les pressant pour en évacuer un maximum d’eau. D’un saladier plein de feuille au départ, il ne restera plus qu’une petite boule verte, mais celle-ci aura perdu une bonne partie de son amertume tout en conservant l’essentiel des autres saveurs de la plante. Ensuite, toutes les utilisations des légume feuille sont possibles.

A noter que les fleurs, débarrassées de leur calice enflé peuvent être utilisées en décoration comestible.

Tarte aux compagnons

Ingrédients :

  • Au moins un plein saladier de feuilles de compagnon rouge ou blanc (plus il y en a, meilleur c’est)
  • Environ 200g de pâte brisée à ajuster selon la taille et la profondeur du moule à tarte (mélange homogène de farine et beurre, à raison de 2 fois plus de farine que de beurre, plus quelques pincées de sel et un peu d'eau si besoin plus une heure de repos à température ambiante)
  • 100g de fromage râpé (emmenthal, comté jeune, mozzarella)
  • 3 œufs
  • 20cl de crème liquide
  • 100g de poitrine fumée découpée en allumettes (facultatif, peut aussi être remplacé par du saumon fumé)
  • Sel et poivre

Préparation :

  • Réaliser la pâte brisée, l’abaisser et la placer dans un moule à tarte chemisé (beurré puis fariné)
  • Etaler une feuille de papier sulfurisé au-dessus puis verser un leste (des haricots secs, des petits cailloux propres, du riz etc.)
  • Placer au four à 180°C 10 à 15 minute jusqu’à obtenir un début de coloration
  • Blanchir les feuilles de compagnon (les cuire 5 bonnes minutes dans de l’eau bouillante, les plonger ensuite dans de l’eau glacées, puis les égoutter et finalement les presser vigoureusement pour en évacuer un maximum d’eau)
  • Hacher finement les feuilles, les mélanger avec les œufs, la crème, le fromage, les lardons, le sel (pas trop, les lardons en apportent déjà un peu) et le poivre
  • Verser l’appareil ainsi obtenu dans le fond de tarte en s’assurant une répartition homogène
  • Enfourner à 180°C pour 45 minutes
Tarte à déguster tiède accompagnée de salade verte, pourquoi pas agrémentée de feuilles de marguerite.

jeudi 8 avril 2021

Et si on faisait des boulettes

On a beau être au printemps, et celui-ci a beau être précoce malgré la fraicheur passagère actuelle, les marguerites sauvages sont encore loin de la floraison. Ici, en Bretagne nord, elles commencent tout juste à monter. Plutôt discrètes au milieu des autres plantes lorsqu’elles sont à l’état de rosette, elles peuvent désormais être repérées plus facilement.

Et ça tombe bien car chez la marguerite, ce ne sont pas les fleurs qui m’intéressent mais bien les feuilles. Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre quand on les touche, celles-ci ne sont pas coriaces du tout, mais surtout, elles sont très aromatiques et bien entendu comestibles, comme le reste de la plante d’ailleurs.

Marguerite commune (leucanthemum vulgare). Les feuilles basales de la marguerite sont organisées en rosette. Elles sont munies d’un pétiole (la « tige » des feuilles) et ont la forme de spatules irrégulièrement dentée. Les feuilles caulinaires (celles situées sur la tige) sont alternes et plus la plante monte, plus leur pétiole est court jusqu’à ne plus être présent. La tige, de couleur vert à pourpre est velue à très velue.

Marguerite commune (leucanthemum vulgare).
Risques de confusion avant floraison : Séneçon commun (senecio vulgaris), jacobée commune (jacobaea vulgaris), toxiques toutes les deux, mais dont les tiges sont glabres contrairement à celles de la marguerite.

Pour ceux qui connaissent la cuisine asiatique en particulier celle de Hong Kong ou du Japon, la saveur des feuilles de marguerite est proche de celle des feuilles du chrysanthème comestible ou chrysanthème couronné (glebionis coronaria). Ce légume feuille y est très utilisé en association avec le poisson, ce qui m’a orienté pour la recette du jour.

Boulettes de poisson à la marguerite


Ingrédients (pour deux douzaines de boulettes) :
  • 300g de chair de poisson (dans mon cas, du lieu noir, mais fonctionne très bien avec tous les poissons à chair blanche)
  • 50g de jeunes feuilles de marguerite
  • Pain rassis
  • Farine
  • 1 œuf
  • 2 à 3 gousses d’ail
  • 1 cuillère à soupe de sauce soja
  • 1 cuillère à soupe de sauce nuoc-mâm
  • 1 cuillère à café de poivre moulu
Préparation :
  • Mettre à tremper le pain rassis dans de l’eau pendant une bonne heure
  • Une fois bien imbibé, l’égoutter puis le presser vigoureusement et en garder 150g
  • Découper le poisson en petits cubes, hacher grossièrement la marguerite et l’ail
  • Les placer dans un blender avec l’œuf, les 150g de pain, la sauce soja, la sauce nuoc-mâm et le poivre et mixer jusqu’à obtenir un appareil homogène, mais pas trop lisse
  • Utiliser cet appareil pour former les boulettes à la main
  • Les rouler ensuite dans la farine et réserver
  • Porter une grande quantité d’eau à ébullition avant d’y plonger délicatement les boulettes
  • Cuire ainsi pendant environ 3 minutes : en principe, les boulettes qui sont tout d’abord tombées au fond vont remonter
  • Transférer les boulettes dans de l’eau bien froide pendant quelques minutes pour stopper la cuisson et les refroidir
  • Bien les égoutter (note : à ce stade, les boulettes peuvent être réservées au réfrigérateur et conservées quelques jours, voire-même congelées)
  • Juste avant le service, faire dorer les boulettes dans une poêle avec un bon fond d’huile de tournesol ou carrément les passer à la friteuse
  • A servir avec la sauce ci-dessous et quelques feuilles crues de marguerite
Sauce d’accompagnement :
  • Mélanger ensemble le jus d’un citron, deux cuillères à soupe de sauce nuoc-mâm, une cuillère à soupe de sirop de canne, une cuillère à soupe de sauce de piment (type « Sriracha »), une gousse d’ail finement haché, un piment thaï séché réduit en miettes. 

Et pour conclure, un peu de botanique :
Comme pour toutes les astéracées, famille dont la marguerite est membre, ce qu’on a tendance à appeler « fleur » n'en est pas exactement une. C'est en fait un capitule, c’est-à-dire une inflorescence regroupant de nombreuses fleurs minuscules appelés fleurons.  Dans le cas de la marguerite, ceux-ci sont de minuscules tubes agglomérées par centaines et constituent ainsi le cœur jaune du capitule. Les fleurons sont tous munis de 5 vrais pétales qu'on peut parfois observer à l'œil nu. Quant aux « faux pétales » blancs, il s’agit plutôt de ligules, c’est-à-dire d’excroissances que possèdent les fleurons périphériques du capitule. Ces caractéristiques peuvent être beaucoup plus facilement observées sur les inflorescences d'une plante comme le tournesol à l’anatomie très semblable (photo ci-dessous), mais à une échelle ne nécessitant pas de loupe. A noter que certaines astéracées n'ont que des fleurons ligulés (pissenlit ou salsifis par exemple) ou au contraire, que des fleurons tubulaires (matricaire odorante, sur certaines variétés de séneçon commun par exemple).

Photo Olivier Rousseil sous licence CC-BY-SA-2.0-FR.

mardi 16 mars 2021

Chou printanier

Le printemps a beau ne commencer officiellement que ce week-end, dans la réalité il est déjà là depuis quelques temps et avec lui arrivent plein de délicieuses plantes sauvages. Et cette année, pas de confinement, donc il était impensable pour moi de rater la montée du colza, et encore moins celle de l'ail des ours.


Je viens d'ailleurs de prendre conscience que plus on se dirige vers l'ouest de la France et moins l'ail des ours est présent. Malgré tout, cela ne m'a pas empêché de trouver un premier coin et même d'en faire ma première récolte depuis mon déménagement en Bretagne. Si vous aussi vous cherchez votre coin, orientez vos recherches en ciblant les sous-bois frais et humides, si possible en bordure d'un ruisseau, d'une rivière ou d'un étang.


Ail des ours (allium ursinum).
Attention : ne pas confondre ses délicieuses feuilles avec celles très toxiques du muguet. Le meilleur moyen pour ne pas se tromper avant floraison : l'odeur d'ail qui ne manquera pas de chatouiller vos narines aussitôt que vous manipulerez les feuilles de l'ail des ours. Une fois les fleurs présentes, les clochettes du muguet et leur parfum ôteront tout doute (si toutefois il en restait).

Concernant le colza, dans une région agricole telle que la Bretagne où il est cultivé assez fréquemment, il n'est pas rare d'en trouver en dehors des champs, malheureusement, c'est souvent en bordure des routes où il vaudra mieux éviter de le récolter. Mais il existe certains endroits où il est naturalisé et où on peut donc le retrouver d'une année sur l'autre, à l'abri des nombreux traitements phytosanitaires avec lesquels les champs sont régulièrement traités. Et quand on a la chance de connaitre un tel coin, on y passe tous les ans au printemps pour faire le plein.

Colza ou canola (brassica napus).
Ses fleurs jaunes à 4 pétales en croix lui valent parfois d'être confondus avec la moutarde (un autre chou), mais la couleur "vert de gris" des feuilles du colza permettent de l'en distinguer assez facilement.

Du colza, beaucoup n'en connaissent que l'huile. Mais ce chou (car oui, c'est un chou) peut aussi être cuisiné : comme au Japon, juste blanchi avec un peu de sauce soja et d'huile de sésame, comme en Italie à la manière des "cime di rapa", comme au Portugal à la manière des "grelos" ou tout simplement en suivant votre inspiration du moment.

Pour l'utiliser en légume, on récolte les 20 à 30 derniers centimètres des plants dont les inflorescences sont encore en boutons : La tige doit casser net à la torsion sans être fibreuse. La plante étant naturellement amère, il est préférable de les blanchir (5 minutes suffisent) avant de les utiliser d'une manière ou d'une autre.

Colza à la pomme de terre et à l'ail des ours

Dans mon cas, j'ai utilisé cette recette pour accompagner un peu de poitrine de porc découpée en fine lamelles. Au final, avec le colza faisant office de chou, l'ail des ours faisant office de poireau, les patates et le porc, on retrouve les ingrédients de base de beaucoup de potées.

Ingrédients pour 4 (accompagnement):

  • 300g de pommes de terre
  • 200g de tiges de colza
  • 50g de feuilles d'ail des ours
  • Sel et poivre

Préparation :

  • Bien cuire les pommes de terre à l'eau ou à la vapeur
  • Et parallèle, plonger les tiges de colza pendant 5 minutes dans de l'eau bouillante avant de bien les égoutter
  • Découper les feuilles d'ail des ours en fines lanières
  • Emietter grossièrement les pommes de terre
  • Verser tous les ingrédients dans une poêle avec un fond d'huile d'olive sur feu vif
  • Continuer la cuisson tout en remuer pendant 5 minutes
  • Saler, poivrer, servir


dimanche 28 février 2021

De retour avec un pesto

Ca faisait un bout de temps que je n'avais rien posté sur le blog.
Entre les (très bons) débuts du resto, interrompus par le premier confinement et la (très bonne) reprise l'été dernier, interrompue par le second confinement, j'avais en effet très peu de temps à consacrer à "Sauvagement-Bon". Sans parler de la (grosse) chute de motivation durant les périodes d'inactivité forcée, qui malheureusement durent encore, sans qu'on semble voir le bout du tunnel.
Toutefois, avec l'arrivée des premiers jours printaniers, la motivation remonte et me voilà devant mon PC pour parler d'une nouvelle version de pesto testée hier avec succès : un pesto à base de vergerette du Canada.

Tout d'abord, quelques mots sur la plante : la vergerette du Canada (erigeron canadensis syn. conyza canadensis) est une invasive depuis son introduction accidentelle en France avec la régularisation des échanges avec les Amériques au XVIIe. On la retrouve désormais partout en France. On la repère facilement en été avec sa tige dressée qui monte parfois jusqu'à 1,5 m. Et on se rend vite compte qu'elle s'accommode de presque tous les milieux, ce qui explique qu'elle est omniprésente en ville où elle exploite le moindre morceau de terre et pousse même entre les pierres des vieux murs.

Vergerette du Canada (erigeron canadensis) à l'état de rosette (hiver/printemps).
C'est au printemps, à ce stade, que ses feuilles sont les plus intéressantes, à la fois tendres et parfumées. Leur aspect denté permet les reconnaitres.

Comestibles, ses feuilles ont un goût aromatique plutôt agréable assorti d'une note poivrée. Ce sont justement ces caractéristiques qui m'ont donné l'envie de la tester en pesto, en attendant l'ail des ours et surtout en attendant de me trouver un nouveau coin. En effet, ayant maintenant migré en Bretagne, je n'ai plus accès à mes anciens coins de la région parisienne, mais j'ai déjà des pistes.

Vergerette du Canada (erigeron canadensis) ayant entamé sa montée (printemps/été). A ce stade, les feuilles ne sont plus ou presque plus dentées. Mais on peut encore utiliser les sommités.

Inflorescences caractéristiques de la vergerette du Canada (erigeron canadensis) avec une forme cylindrique, à la périphérie desquelles on trouve de petites et fines ligules blanches pointant vers l'avant en couronne.

Pesto de vergerette du Canada


Ingrédients :
  • Un grand saladier de feuilles nettoyées, lavées et séchées de vergerette du Canada
  • 100g râpés de parmigiano reggiano, de grana Padano ou d'un autre fromage à pâte pressée cuite très affiné
  • 3 poignées d'amandes émondées
  • 1 cuillère à soupe de gros sel
  • 10cl d'huile d'olive
  • Le jus d'un demi citron
  • 3 gousses d'ail
Préparation :
  • Hacher tout d'abord les feuilles au couteau
  • Placer ensuite tous les ingrédients dans un blender (en plusieurs fois si le blender est trop petit) en commençant par les feuilles et en finissant par l'huile
  • Mixer jusqu'à obtenir un mélange homogène mais pas trop lisse
A déguster de manière classique avec des pâtes, ou encore étalé sur des toast, ou même avec des pommes de terre vapeur.

Attention : ne pas cuire ce pesto qui perdrait toutes ses saveurs. Pour sa conservation, c'est donc maximum quelques jours au réfrigérateur (on peut le recouvrir d'une couche d'huile d'olive pour améliorer sa préservation) ou plusieurs mois au congélateur.

A noter que la vergerette du Canada est aussi une plante ayant des vertus diurétiques.

Et pour ceux qui sont intéressés par le pesto à l'ail des ours, c'est [ici].

vendredi 20 décembre 2019

Une nouvelle aventure qui commence

A la création de ce blog, je m'étais fixé comme principe de ne pas faire de pub pour des entreprises commerciales. Mais aujourd'hui, je vais trahir ce principe en parlant de celle que je suis en train de créer avec mes deux associés Sothy et Julien. Cette entreprise que nous créons, c'est le fameux projet auquel j'ai plusieurs fois fait allusion dans de précédents posts.

Cette entreprise, c'est tout simplement un restaurant.


Même si j'ose croire que je ne suis pas un débutant dans le domaine culinaire, c'est un véritable changement de vie pour l'informaticien que je suis j'étais. D'autant que ce virage professionnel à 180° est aussi accompagné d'un changement de région. C'est en effet en Bretagne que nous allons exercer, et plus précisément à Lamballe, dans les Côtes d'Armor.

De ce fait, il y a fort à parier que le blog et la page Facebook de Sauvagement-Bon ne soient plus trop actifs dans les mois qui viennent. Mais j'essaierai quand même de trouver le temps pour un ou deux posts au moins sur Facebook, ceux-ci me demandant moins de temps.

Les propriétaires actuels vont encore exercer jusqu'à la fin de l'année. De notre côté, l'ouverture est prévue pour le 28 janvier 2020. Le début de l'année va donc être très occupé car nous avons encore beaucoup de choses à faire. Lorsque nous aurons atteint notre rythme de croisière et afin de rester dans une thématique qui nous tient à cœur, nous organiserons aussi des ateliers culinaires mêlant cueillette sauvage et cuisine, profitant des nombreuses ressources disponibles dans la région, entre estran, sentiers littoraux et forêt. Mais ça, c'est pour plus tard, probablement au printemps 2021.
Et donc, en attendant, si vous êtes dans le coin de Lamballe à partir de février 2020, n'hésitez pas à venir manger !

Pour plus de détails sur "La Tête Noire", vous pouvez d'ores et déjà visiter son tout nouveau [site web] ou sa [page Facebook] (en cours de transition).

mardi 22 octobre 2019

Les cèpes, c'est le pied !

Cèpe de Bordeaux (boletus edulis).
En France, il n'existe que 5 espèces considérées comme de vrais cèpes, toutes appartenant au genre mycologique "boletus" : le cèpe de Bordeaux et ses proches (clade des boletus edulis), le cèpe d'été (boletus reticulatus syn. boletus aestivalis), le cèpe bronzé (boletus aereus), le cèpe des pins (boletus pinophilus syn. boletus pinicola) et enfin le cèpe de la Maâmora (boletus marmorensis) qu'on ne trouve qu'en zone méditerranéenne.
Dans les forêts automnales, le cèpe, c'est LE champignon que tout le monde recherche.
Du coup, lorsqu'ils sont absents, nombreux sont ceux qui repartent déçus. Bien moins nombreux sont ceux qui osent se rabattre sur d'autres espèces plus méconnues et parfois aussi bonnes, voire même meilleures.
Mais même pour ces derniers (et j'en fait partie), trouver un beau cèpe a quelque chose d'exaltant, presque magique.
Est-ce dû à son allure majestueuse, à la prestance que lui donne son pied en massue ? Est-ce dû à sa taille ou à sa masse souvent imposantes ? Est-ce dû aux délicieuses préparations qu'on s'imagine déjà déguster ?
Quelle qu'en soit la raison et quoi qu'on en dise, le cèpe, c'est vraiment le roi des champignons. Mais c'est un roi au trône fragile et pour lequel on ne compte plus les tentatives d'usurpation. Car si avoir des tubes sous son chapeau suffit généralement pour mériter le nom de "bolet", avoir un beau pied n'est pas un attribut exclusif des cèpes.

Voici donc, pour vous faire une idée, quelques-uns des usurpateurs aux beaux pieds, plus ou moins proches, plus ou moins comestibles, plus ou moins toxiques :
Bolet de fiel ou bolet amer (tylopilus felleus)
C'est sans doute le bolet avec lequel la confusion est la plus facile. Même couleur de chapeau que les cèpes, pied couvert d'un réseau nettement visible, tube blancs pour les spécimens les plus jeunes, on pourrait s'y laisser tromper. Mais à regarder de plus près, plusieurs différence apparaissent. Tout d'abord le réseau sombre voire noir sur fond brun clair alors qu'il est blanc ou ocre sur les cèpes, selon les espèces. Ensuite, les tubes dont les pores sont un peu plus larges que ceux des cèpes et qui ont tendance à rosir puis à noircir (alors qu'ils jaunissent puis verdissent avec les cèpes). Heureusement, cet usurpateur de première n'est pas toxique. Il est seulement amer, très amer, très très très amer, au point qu'un seul spécimen au milieu d'une dizaine de cèpe suffirait à gâcher un plat !
Bolet à pied rouge (neoboletus erythropus, anciennement boletus erythripus puis boletus luridiformis)
Une silhouette familière, mais un pied rouge sans réseau et une chair jaune bleuissant intensément à la coupe, plus ferme et plus dense que celle des cèpes. Avec, pour finir le portrait, un chapeau brun velouté sur le dessus et des tubes jaunes bleuissant avec des pores rouges sur le dessous. Cette couleur rouge très présente conduit d'ailleurs beaucoup de néophytes à la prendre pour le bolet satan, alors qu'il est très différent d'aspect (voir un peu plus loin) et surtout, c'est un bon comestible lorsqu'il est cuit (il est toxique cru). A noter qu'il pousse plutôt sur sols non calcaires, sous feuillus et sous conifères.
bolet radicant (caloboletus radicans, anciennement boletus radicans)
Là, le pied n'est pas en massue mais carrément en bulbe, façon ampoule électrique (il lui arrive aussi d'être plus droit, mais massif dans tous les cas). Il est couvert d'un réseau très discret. Sa chair est jaune et bleuit à la coupe. Quant au chapeau, blanc au dessus, ses tubes et pores sont jaunes sur le dessous. Poussant principalement sous feuillus et sur sol calcaire, ce champignon n'est pas comestible, il est juste immangeable du fait de son amertume.
Bolet satan (rubroboletus satanas, anciennement boletus satanas puis Suillellus satanas)
Le voilà celui que les néophytes redoutent. Pied enflé, rouge vers le bas, orangé puis jaune vers le chapeau, couvert d'un discret et fin réseau rouge sur le haut, avec une chair jaune très claire bleuissant sans excès à la coupe. Chapeau blanc au dessus, avec au dessous des tubes jaunes et des pores jaune-orangé virant au rouge avec l'âge. Toxique cru (gastro-entérite durant plusieurs jours), selon certains, il serait comestible après une longue cuisson, mais ce dernier point fait toujours débat. Dans le doute, mieux vaut donc s'abstenir. A noter que c'est un champignon plutôt thermophile poussant sous feuillus sur sol calcaire.
Bolet orangé (leccinum aurantiacum syn. leccinum quercinum)
Le pied méchuleux est assez caractéristique des champignons de ce genre (leccinum) dont certains, surtout lorsqu'ils sont jeunes, peuvent présenter un pied massif façon cèpe. Que ce soit le bolet rude (leccinum scabrum), le bolet orangé (leccinum aurantiacum syn. leccinum quercinum) comme sur la photo ou leurs autres cousins à tubes blancs, aucun n'est toxique. Jeunes, ils sont même considérés par certains comme de bons comestibles (surtout le bolet orangé), mais la fermeté extrême de leur pied sur les spécimens avancés en dissuade plus d'un ! Leurs espèces sont parfois difficiles à distinguer les unes des autres, mais l'identification des arbres sous lesquels ils poussent permet de faire une partie du chemin.
Bolet blafard (suillelus luridus, anciennement boletus luridus)
De nouveau la silhouette typique du cèpe, mais là non plus, la couleur ne correspond pas. Que ce soit le réseau rougeâtre nettement visible sur le pied, la chair bleuissante et les tubes jaunes à pores orangés puis rouges avec l'âge. Mais cette description reste assez vague car le bolet blafard a des couleurs très variables. Il est toxique cru mais comestible cuit. Moins ferme que le bolet à pied rouge, une fois bien cuit, il se rapproche même des cèpes !
Bolet bai (imeleria badia, anciennement xerocomus badius puis boletus badius)
Les "cueilleurs du dimanche" les appellent souvent juste "bolets", mais cette courte désignation ne veut pas dire grand chose, puisque comme dit précédemment, le nom vernaculaire "bolet" désigne quasiment tous les champignons à tube poussant en terre, y compris les cèpes. En gros, "bolet" désigne plus généralement tous les membres de la famille des boletacés. Il suffit pourtant juste de 3 lettres supplémentaires pour désigner l'espèce de la photo sans ambiguïté car il s'agit en effet du bolet bai. Leur pied est généralement assez frêle, mais on en trouve parfois avec un pied gonflé aux faux-air de cèpe. Avec des tubes jaunes bleuissant, un pied ocracé à la chair blanc-beige pouvant légèrement bleuir à la coupe et un chapeau brun, il est assez facilement identifiable. Et surtout, même s'il n'a pas la finesse du cèpe, c'est un bon comestible, malheureusement trop souvent véreux.

Lorsqu'ils sont très jeunes, les cèpes, les vrais, peuvent être dégustés crus, qualité qui n'est pas donnée au premier champignon venu. A tout bien y réfléchir, je ne vois d'ailleurs que quelques agarics (dont le champignon de Paris), la langue de bœuf, quelques pézizes et bien entendu l'amanite des césars (merci à Colibri pour son rappel) à partager cette qualité, si on exclut tout ceux qui ne sont pas toxiques, mais sans intérêt culinaire à être consommés crus.
Un bouchon idéal pour un carpaccio, mais...
Mais attention, en dégustant un champignon cru, on prend le risque d'une contamination par des parasites tels que l'échinocoque (à l'origine de la "maladie du renard" ou échinococcose alvéolaire).
Pour minimiser les risques (et je parle bien de minimiser, pas de les supprimer), un cèpe consommé cru devra donc être cueilli loin de toute zone souillée. A noter au passage que contrairement aux idées reçues, ce n'est pas via l'urine mais via les fèces des carnivores que le parasite peut se transmettre.
Les cueilleurs habitant l'ouest de la France prendront de base moins de risques puisque les principaux foyers de cette zoonose se situent à l'est (bande allant des Hautes Alpes à la Meuse en passant par le Jura) et en Auvergne.
Pour vous faire une idée par vous-même, je vous invite d'ailleurs à lire l'article de wikipedia sur le sujet et en particulier les passages sur les zones et les facteurs de risques (ici et ). C'est, je le pense, une assez bonne synthèse.

Bien que délicieux, le carpaccio de cèpes est un plat que, personnellement, je ne consommerai pas avec des champignons qu'on m'aurait donnés, qui auraient été achetés ou que j'aurais moi-même cueillis dans une région à risque. Ceux de la photo ont par exemple été cueillis dans une forêt des Côtes d'Armor, région peu, voire pas atteinte par la zoonose. Malgré tout, même dans ces conditions, le risque ne peut pas être totalement nul.

Pour consommer les cèpes sans risque de contamination, la cuisson est la seule solution. Mais cru ou cuit, s'il vous plait, ne les lavez pas à l'eau. Les champignons, et particulièrement les cèpes, agissent comme des éponges et vous gâcheriez votre récolte. Un cèpe, ça se gratte avec le couteau, ça se frotte avec un pinceau, ça se nettoie avec un linge humide... mais ça ne se lave pas !

Si vous les saisissez rapidement à la poêle sur feu vif dans un peu de matière grasse, il ne faudra surtout pas en mettre trop à la fois, ne pas les saler (une fois cuits uniquement), ne pas les couvrir et résister à l'envie d'y toucher ou de les remuer avant que la face en contact avec le métal ait commencé à dorer. Ne pas respecter ce délai aurait pour effet de leur faire rendre de l'eau et au final de les ramollir, voire d'en faire de la bouillie. Pour garder de la mâche, une coupe en tranches de 1 à 2 cm d'épaisseur est idéale. Ce mode de cuisson aura pour effet de provoquer la fameuse réaction de Maillard, une sorte de caramélisation qui va concentrer et amplifier toutes les saveurs du champignon en lui donnant cet aspect doré. Pour compléter, pourquoi ne pas rajouter un peu d'ail pressé en fin de cuisson (il doit quand même cuire un minimum, sans griller, pour ne pas prendre le dessus sur le cèpe) et une pincée de persil finement haché en dehors du feu. Préparés ainsi, ils se suffisent à eux-mêmes, mais font aussi un excellent accompagnement.

Autre possibilité : la cuisson lente, qui permet d'infuser les délicates saveurs du cèpe dans votre préparation, comme avec la recette suivante.

Gratin de pommes de terre
aux cèpes

Ingrédients :
  • 1kg de pommes de terre
  • 300g de cèpes bien fermes
  • 20cl de crème entière liquide
  • 50cl de lait entier
  • 50g d'emmental
  • 1 gousse d'ail
  • Une noix de beurre
  • Poivre et sel
Préparation :
  • Laver et peler les pommes de terre
  • Les émincer finement à la mandoline (tranches de 1 à 2mm d'épaisseur)
  • Nettoyer les cèpes et les émincer finement (tranches de 2mm d'épaisseur)
  • Beurrer le fond d'un plat à gratin
  • Y parsemer l'ail finement haché
  • Ajouter ensuite en alternant de fines couches de pommes de terre et de fines couches de cèpes (3 à 4 de chaque) pour finir avec les cèpes
  • Saler, poivrer
  • Râper l'emmental et le répartir sur le dessus
  • Verser la crème et le lait
  • Enfourner pour à 180°C pour 1h30
Important : Ne pas plonger les pommes de terre dans l'eau une fois émincées, elles perdraient l'amidon qui participe grandement à la tenue du gratin.


lundi 21 octobre 2019

Retour aux fondamentaux

Avec le retour de la pluie et d'une température plus douce, l'automne n'est pas que la saison des champignons et des fruits. C'est aussi la saison des repousses.
C'est le cas pour beaucoup de plantes là où elles ont été fauchées, et c'est particulièrement le cas avec les orties. Désormais, à la place des tiges desséchées, vestiges d'un été difficile, se dressent de jeunes pousses toutes neuves, bien vertes et tendres : l'idéal pour qui veut les cuisiner.

L'ortie dioïque (urtica dioica), la plus commune, se distingue de l'ortie brûlante (urtica urens) par des inflorescences ramifiées. A noter que les tiges ne sont pas les seules parties de la plante couvertes d'aiguillons. On peut en trouver sur les feuilles, aussi bien dessus que dessous, sur les pétioles et même sur les inflorescences !
Et cuisiner cette "mauvaise herbe", c'est plutôt intéressant. Très protéique (de 30 à 40% de la masse sèche), elle fournit une très grande diversité d'acides aminés, dont les 8 essentiels pour l'homme (tryptophane, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, valine, leucine et isoleucine). Elle est aussi source de nombreuses vitamines (C et A en particulier) ainsi que de minéraux. En gros, c'est le "super-aliment" sauvage par excellence !

Si d'aventure vous vouliez les cueillir à mains nues sans vous faire piquer, voici la technique : passer deux doigts sous les feuilles et les resserrer tout en remontant. Une fois la tige bien serrée, il suffit de tordre la tige et de tirer. Cette technique toute simple permet de casser ou au moins de coucher les aiguillons qui autrement injecteraient sous la peau leur cocktail d'acide formique, d'histamine, d'acétylcholine et de sérotonine (pour les principales substances). De quoi effectivement faire réagir la peau !

Ne cueillir que les sommités des orties, c'est à dire les 3 à 4 dernières paires de feuilles. En dessous, la tige est trop fibreuse et les feuilles plus anciennes peuvent former des cystolhites, des concrétions minérales microscopiques susceptibles d’irriter le système urinaire.

La recette d'aujourd'hui est à la fois classique et très simple, mais c'est peut être celle qui permet de profiter au mieux des saveurs spécifiques de la plante (hormis si on la mange crue, à tester au moins une fois)... et puis en plus, elle a toujours du succès.

Omelette aux orties et au fromage de chèvre


Ingrédients (pour 4) :
Très bonne chaude avec un peu de salade, cette omelette peut aussi se déguster froide, par exemple découpée en cubes pour l'apéritif.
  • Un grand saladier d'orties fraîches
  • Un fromage et demi de chèvre mi-sec type picodon, 
  • 8 œufs
  • Un peu de lait entier (optionnel)
  • Deux cuillères à soupe d'huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Faire bouillir une grande quantité d'eau salée
  • Y plonger les orties jusque au retour de l'ébullition et attendre encore 2 minutes
  • Égoutter les orties (on peut récupérer l'eau de cuisson qui est assez aromatique et peut être utilisée comme bouillon végétal pour cuire des pâtes ou du riz par exemple)
  • Les refroidir en les plongeant dans de l'eau froide
  • Les égoutter à nouveau, former une boule avec et la presser modérément de sorte à en évacuer une bonne partie de l'eau qu'elles ont fixé
  • Hacher la boule le plus finement possible
  • Incorporer les œufs et optionnellement un peu de lait si l'appareil est trop "sec"
  • Incorporer le picodon découpé en petits cubes
  • Saler, poivrer (attention, le fromage apporte déjà du sel)
  • Bien chauffer une poêle sur feu vif et ajouter une cuillère à soupe d'huile d'olive
  • Y verser l'appareil lorsque celle-ci est bien chaude,
  • Une fois celui-ci bien saisi, baisser le feu et couvrir
  • Lorsque le fond est bien doré et que le dessus a commencé à coaguler, retourner l'omelette dans une grande assiette
  • Remonter l'intensité du feu, ajouter la seconde cuillère d'huile d'olive dans le fond de la poêle
  • Y faire glisser l'omelette le temps qu'elle finisse de dorer
Note: On peut compléter les orties par d'autres plantes de saison. A essayer par exemple avec des feuilles de moutarde.

mardi 10 septembre 2019

Une consolation sortie de la mousse

En feuilletant rétrospectivement les pages de ce blog, je me suis rendu compte que cela faisait bien longtemps que je n'avais pas cueilli et préparé d'alises, fruits des alisiers (ici) Me trouvant actuellement dans le sud Vercors, région où l'alisier blanc est plutôt fréquent, j'étais impatient de partir en balade (pour l'occasion accompagné de ma maman) dans un coin repéré plus tôt cet été. Je me régalais déjà à l'idée d'un fromage de chèvre frais accompagné de confiture d'alises.

Nombreuses grappes d'alises, fruits de l'alisier qui en principe mûrissent entre la fin de l'été et le début de l'automne. Ici, un alisier blanc (sorbus aria) dont les feuilles au revers argenté sont typiques. A noter qu'on peut aussi trouver des alises sur l'alisier torminal (sorbus torminalis).

Pourtant, après une petite heure de marche le long des chemins forestiers, ça a plutôt été la déception : en effet, bien que très nombreuses, les alises sont encore bien vertes et seules quelques rares baies commencent à peine à prendre une teinte plus dorée. Il leur manque bien 3 à 4 semaines avant qu'elles atteignent leur pleine maturité !

Les fruits de l'alisier blanc sont couverts d'un fin duvet. Mûrs, ils prennent une couleur variant du rouge brique au brun-rouge. Pour les utiliser dans une confiture, il faut que les fruits soient ultra-mûrs, voire blettis (âpres sinon). On en est donc encore loin !

Sur ce constat, nos regards qui jusque là étaient plutôt tournés vers le haut, ont changé d'orientation et ont tout d'abord repéré une belle clavaire dorée (non comestible). Après plusieurs semaines sans pluie et juste de légères averses la veille, sa présence ici était plutôt surprenante. Mais comme elle était bien là, cela pouvait aussi indiquer la présence d'autres espèces plus intéressantes. Et la confirmation n'a pas tardé avec tout d'abord une belle série de lactaires saumon, puis deux beaux cèpes et enfin de nombreux écailleux.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). Il peut être confondus avec plusieurs de ses cousins lactaires à lait orange (dont aucun n'est toxique à ma connaissance). Mais la distinction des différentes espèces peut se faire en fonction des arbres sous lesquels on les trouve : lactaire délicieux (lactarius deliciosus) sous les pins, lactaire des épicéas ou lactaire détestable (lactarius deterrimus) sous les épicéas, lactaire saumon (lactarius salmonicolor) sous les sapins.

Lactaire saumon ou lactaire des sapins (lactarius salmonicolor). On voit bien ici les principales caractéristiques de ce champignon qui ne pousse que sous les sapins : scrobicules (fossettes) sur un pied creux ou farci, lait peu abondant de couleur orange virant au brun en 20-30 minutes, marge enroulée sur les jeunes spécimens, lames subdécurentes.

Un joli cèpe de Bordeaux (boletus edulis) malheureusement trop véreux.

Ecailleux, éperviers ou encore hydnes imbriqués (sarcodon imbricatus). Très appréciés en Franche-Comté et en Suisse où ils sont généralement préparés au vinaigre, ils sont délaissés ailleurs. L'aspect écailleux de la partie supérieure de leur chapeau, la présence d'aiguillons et non de lamelles sur la partie inférieure laissent peu de doutes quant à leur identification. Ils peuvent toutefois être confondus avec leur cousin l'hydne rugueux (sarcodon scabrosus) qui a des écailles bien moins marquées et un pied plus sombre tirant vers le bleu-vert à sa base. La confusion n'aurait toutefois pas de grave conséquence, l'hydne rugueux n'étant pas toxique.

Bien que n'étant pas les meilleurs des lactaires, les lactaires saumon ou lactaires des sapins (lactarius salmonicolor) ont un certain intérêt. Utilisables grillés, sautés, au vinaigre, à la grecque, je trouve personnellement que c'est dans les plats mijotés en sauce qu'ils se révèlent vraiment. Ils ont en effet deux caractéristiques intéressantes pour ce type de préparation : d'une part leur très bonne tenue à la cuisson (peu de réduction et texture restant assez ferme), d'autre part leur mucilage qui à la cueillette les rend gluants (surtout par temps humide) mais qui, lors de la cuisson, donne du liant à la sauce.

Mijoté de bœuf aux lactaires

Ingrédients pour 4 :
A servir avec du riz, des pâtes ou encore des pommes vapeur.
  • 700g de viande de bœuf à pot au feu (type paleron, jumeau, gîte, macreuse etc.) parée
  • 100g de poitrine de porc fumée découpée en lardons
  • 500g de lactaires frais
  • 4 tomates
  • 2 oignons
  • 1 carotte
  • 3 gousses d'ail
  • 1 cuillère à soupe rase de feuilles séchées de thym
  • 1 feuille de laurier
  • Huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Bien nettoyer puis laver les champignons avant de les égoutter
  • Découper les plus gros, garder les plus petits entiers et réserver
  • Hacher l'oignon grossièrement et le faire revenir sans coloration dans un peu d'huile d'olive avec les lardons, puis réserver
  • Découper la viande en gros cubes et la laisser se colorer dans un filet d'huile d'olive bien chaude
  • Lorsque la viande est bien saisie, ajouter les champignons, l'oignon et les lardons, les tomates préalablement concassées, les gousses d'ail pelées et écrasées, la carotte découpée en fines rondelles, le thym, le laurier et un peu de poivre
  • Ajouter de l'eau à hauteur
  • Amener doucement à frémissement puis laisser mijoter à couvert pendant 2 heures
  • Découvrir et laisser réduire la sauce à feu moyen pendant encore 1 petite heure
  • Les lardons apportant leur dose de sel et la réduction concentrant les saveurs, ne saler qu'à la fin selon votre goût

Et pour ceux qui se posent la question des écailleux, voici selon moi la manière la plus simple de les préparer :

Écailleux au vinaigre

  • Laver les champignons et les débiter en morceaux assez gros
  • Diluer une bonne quantité de vinaigre blanc à 8% avec 2 fois plus d'eau (mélange 1/3 vinaigre - 2/3 eau, voire plus d'eau si vous ne cherchez pas une longue durée de conservation)
  • Porter ce liquide à ébullition
  • Y ajouter les champignons
  • Attendre que l'ébullition reprenne et laisser cuire 5 bonnes minutes
  • Ajouter une pincée de sel fin au fond des bocaux avant d'y verser les champignons et de compléter à hauteur avec le liquide brûlant
  • Fermer les bocaux et les laisser refroidir tête en bas

Préparés de cette manière, les écailleux peuvent se conserver 2 à 3 ans sans problème.
A noter qu'il existe beaucoup de variantes. Par exemple, sur la même base, on peut commencer par faire dégorger les champignons au sel pendant quelques heures pour les affermir avant de les ébouillanter. On peut aussi utiliser un liquide vierge (bouillant avec la même proportion eau-vinaigre) pour la mise en bocal car le liquide de cuisson a tendance à noircir. Enfin, on peut ajouter des aromates, mais personnellement, je préfère le goût du champignon nature.

samedi 13 juillet 2019

Des algues dans tous leurs états

Difficile de trouver du temps à consacrer au blog lorsqu'on mène un projet très prenant en parallèle, mais depuis maintenant plus d'un mois que Sauvagement-Bon était muet, il fallait que ça change !

Les algues que j'avais récoltées et séchées mi-juin sont tombées à pic :

Le spaghetti de mer (himanthalia elongata) est une algue brune qui peut dépasser 3m de long. On l'appelle aussi haricot de mer, mais ce nom peut prêter à confusion car il est également donné aux salicornes (qui, contrairement à ce que j'ai encore entendu dans une émission télévisée culinaire, ne sont pas des algues, mais bien des plantes de la famille des épinards). En été, la surface des longues branches aplaties se couvre d'aspérités : ce sont ses cellules reproductrices. Mais pas d'inquiétude, hormis un aspect visuel plus granuleux et moins attrayant, cela n'a aucune conséquence sur la comestibilité de ces algues. Coupées en tronçons de quelques centimètres et cuites à l'eau, on peut les utiliser de la même manière que des haricots verts. Fait amusant : Fraîches, elles sont brun-kaki, mais avec la chaleur de la cuisson, elles prennent une teinte bien verte. Elles méritent donc d'autant plus leur nom de haricot de mer.
Confusion possible : lacet de mer (chorda filum), qui peut être encore plus long, n'a pas de cupule à sa base, n'a pas d'embranchements et a une section circulaire. Cette algue n'est probablement pas toxique, mais certainement immangeable car beaucoup trop coriace (on peut même l'utiliser pour produire des cordages, mais ceux-ci deviennent rapidement cassants).

La laitue de mer (ulva lactuca) a mauvaise presse à cause des plages où elle et ses cousines prolifèrent, alimentées par des eaux de ruissellement trop riches en substances nutritives (généralement issues du lessivage de terres agricoles par la pluie). Lorsque ces algues vertes poussent en trop grande quantité, leurs thalles (les "feuilles" des algues) arrachés par la houle s'accumulent en bordure d'estran. Là, avec la chaleur et l'humidité, ils ont tendance à fermenter et à générer un gaz toxique (hydrogène sulfuré). Mais fraîches, elles ne sont nullement toxiques. Et ce sont même d'excellentes algues qui apportent une saveur très marine aux préparations. Immangeables lorsqu'elles sont crues et fraîches (on dirait des feuille de plastique), elles nécessitent au moins une cuisson pour être plus agréables en bouches. L'idéal, c'est de les sécher et d'en faire des paillettes utilisables un peu partout (excellentes avec un poisson en papillote par exemple).

Le pioka est un terme générique qui désigne deux espèces d'algues rouges : d'une part chondrus crispus (mousse irlandaise, carragheen, lichen de mer, goémon frisé) à droite sur la photo et d'autre part mastocarpus stellatus (gigartine ou fausse mousse irlandaise) à gauche. Bien qu'il s'agisse d'algues rouges, lorsqu'elles sont situées haut dans l'estran, leur exposition régulière à la lumière les jaunit (comme sur la photo), voire même les verdit. Les deux espèces sont polymorphes et il est parfois difficile de les distinguer, mais pour ce qui m'intéresse, à savoir leur comestibilité et leur propriété gélifiante, elles sont plutôt équivalentes. Le mucus qu'elles produisent est en effet un gélifiant à l'origine de l'additif alimentaire E407 (carraghénanes). Plus souple que l'agar agar, les texture qu'il permet d'obtenir sont plus agréables. Pour l'extraire, il suffit d'infuser deux à trois minutes ces algues dans un liquide à ébullition (lait ou eau par exemple). Contrairement à d'autres algues, le pioka n'apporte quasiment aucun goût, il peut donc être utilisé pour les desserts.
A noter que s'ils sont chauffés à plus de 80°C dans un milieu fortement acide (ce qui n'est ni le cas de l'eau, ni du lait), les carraghénanes peuvent être dégradés en poligeénane, potentiellement toxiques (à l'origine de plusieurs controverses sur le E407).

En voyant ces deux formes sombres sur les rochers, on pourrait penser à des algues, mais un regard plus attentif permettrait d'observer que celles-ci se déplacent. Par ailleurs, bien que de tailles différentes, les deux spécimen de la photo ont une morphologie rigoureusement identique. Il s'agit en fait de deux lièvres de mer (aplysia sp.). Pas forcément rares, c'est quand-même la première année que j'en vois autant.
A noter que les toxines que contiennent leur corps les rend non comestibles.
Et avec autant d'algues, on peut même faire un repas complet (ingrédients pour 4) :

Entrée : haricots de mer au sésame

Laisser tremper pendant deux heures dans de l'eau froide 4 petites poignées de haricots de mer séchés.
Les ébouillanter ensuite pendant une dizaine de minute.
Les refroidir en les plongeant dans de l'eau glacée.
Verser dessus un peu de sauce composée de sauce soja, d'huile de sésame et de mirin en quantités égales et éventuellement un peu de pulpe d'ail.
Finir avec une bonne pincée de sésame blanc.

Plat : tomagoyaki (omelette japonaise) à la laitue de mer

Plonger deux poignées de laitue de mer séchée dans de l'eau bouillante salée.
Les laisser se réhydrater et cuire pendant 5 bonnes minutes.
Les égoutter et les hacher.
Les mélanger à 8 œufs préalablement battus omelette.
Puis confectionner le tomagoyaki en suivant la technique expliquée ici.

Dessert : Panna cotta à la mélisse et coulis de framboise

Placer 40cl de lait entier et 15cl de crème fraîche dans une casserole.
Ajouter 2 poignées de pioka séché (10g), 120g de sucre et deux poignées de feuilles de mélisse séchée.
Mettre sur le feu, couvrir et porter à frémissement.
Maintenir ainsi pendant 2 bonnes minutes tout en mélangeant pour dissoudre le sucre et bien extraire le gélifiant.
Au travers d'un chinois, tout en pressant, verser directement le liquide dans des grands verres de service (15cl).
Laisser tiédir une petit dizaine de minute.
Pendant ce temps, passer 100g de framboises au mixeur avec une cuillère à soupe de sucre, quelques gouttes de jus de citron et un peu d'eau.
Recouvrir la panna cotta avec ce coulis, couvrir (ou filmer) et mettre au réfrigérateur pendant au moins deux heures avant de servir.
Important :
La réglementation pour la pêche à pied de loisir et la récolte des algues a changé récemment en Bretagne. La récolte des algues n'est en effet autorisée que de jour (du lever au coucher du soleil) et pendant une période particulière de l'année, ajustée selons les espèces. Par exemple, pour le pioka (chondrus crispus et mastocarpus stellatus), la période annuelle s'étend du 1er mai au 31 octobre inclus.
Pour certaines espèces, une taille minimum doit également être respectée. Par exemple, 80cm pour le spaghetti de mer (himanthalia elongata).
Afin de préserver les algues, la récolte doit se faire en les coupant au dessus de leur crampon (les instruments autorisés sont le couteau, la faucille, les ciseaux et le sécateur) et surtout pas en les arrachant. Pour une espèce comme le goémon noir (ascophyllum nodosum), la réglementation impose même de laisser un minimum de 30cm au dessus du crampon.
Enfin, et ça, ce n'est pas la réglementation, mais du bon sens : pour une utilisation alimentaire, ne pas récolter d'algues non cramponnées. En effet, lorsqu'elles se détachent et dérivent , elles peuvent garder très longtemps un aspect "sain" alors qu'elles ne sont plus du tout consommables.

Et pour vous aider dans l'identification des espèces marines, un petit tour chez DORIS vous aidera à vous y retrouver. Voici par exemple les fiches des 4 espèces d'algues citées : haricot de mer, laitue de mer, carragheen et gigartine.
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