mercredi 27 mars 2013

Hallucination ?

Avec ce printemps qui ne veut décidément pas se montrer, j’attends désespérément de voir le vrai retour du vert tendre des jeunes pousses tout juste sorties de terre.
Mais où est donc passée la berce ? Les premiers jets de houblon se décideront-ils à sortir ? Et les salsifis, où se cachent-ils donc ? Quand à tous ces choux sauvages que sont la passerage, ou la moutarde, mais que font-ils ?
Perruche à collier (psittacula krameri). Plusieurs hypothèses tentent d'expliquer la présence incongrue de cette espèce tropicale sous nos latitudes, mais sans réelle certitude. Elle serait même en passe de devenir un nuisible !
J'étais tellement en manque de vert que lorsque je l'ai aperçue, perchée dans l'arbre, posée à côté de ce qui ressemble à un trou de pic (probablement un pic noir, il y en a beaucoup dans le coin), j'ai bien cru avoir une hallucination.

Pour ceux qui ne connaissent pas, les « cime
di rapa » (brassica ruvo, également brassica rava
sylvestris) s'apparentent à des pousses d'une espèce
de chou cultivée principalement en Italie et en Asie.
En français, on les trouve aussi sous le nom de
« brocoli rave », « pousse de navet », voire sous
des appellations plus latine comme « brocoletti »,
« rapini » ou « friarielli ».
Mais non, il s'agissait bien de ce à quoi cela ressemble : une perruche, et en plus, elle n'était pas seule (au moins 4 dans les arbres autour, faciles à repérer car très bruyantes).

Il n'empêche qu'après cette découverte, j'étais toujours aussi frustré...

Et une heure plus tard, de passage à mon marché habituel, c’est avec toute cette frustration contenue que je suis tombé sur un étal présentant des plantes à l’aspect familier, typique de beaucoup des choux sauvages que justement j’attends avec impatience.
Ici, rien de sauvage mais il s’agissait quand même d’un chou qu'on trouve peu en France : les « cime di rapa », dont l’aspect est à mi-chemin entre le colza (dont la version sauvage ne devrait pas tarder à se montrer) et le brocoli.
L’année dernière, j’avais d’ailleurs posté un billet sur une recette d'inspiration italienne (région des Pouilles) utilisant du colza sauvage en remplacement de « cime di rapa ».

Cette fois-ci, donc, je n'utiliserai rien de sauvage, hormis les toutes dernière feuilles d'ail des ours qui me restaient…


Riz au four, « cime di rapa » et artichauts

Ingrédients (pour 4):
Avant cuisson

  • 4 ou 5 tiges de « cime di rapa » avec de belles têtes florales encore en bouton
  • 5 petits artichauts violets
  • 400g de riz
  • 2 petits cônes de calamar (100g pièce environ)
  • Une douzaine de crevettes
  • De 1 à 1,5 litre de bouillon de volaille léger
  • 1 beau poivron rouge pelé (personnellement, j'ai utilisé une conserve)
  • 1 oignon doux
  • Quelques feuilles d'ail des ours
  • 5cl d’huile d’olive (au fruité vert)
  • Sel et poivre
Préparation :
Après cuisson
  • Tourner les artichaut et les couper en 4 (sans oublier de retirer le foin)
  • Les réserver en les plongeant immédiatement dans de l’eau citronnée (évite qu’ils noircissent)
  • Débiter les cônes de calamar en anneaux
  • Décortiquer les crevettes pour n’en garder que la queue (les têtes peuvent être conservées pour préparer un bouillon)
  • Prélever les têtes des « cime di rapa »
  • Peler les tiges afin d’en enlever la peau fibreuse et les débiter en tronçon
  • Débiter grossièrement les feuilles
  • Verser la moitié de l’huile au fond d’un plat allant au four (type plat à paëlla)
  • Y ajouter les « cime di rapa » (tiges, feuilles et têtes), les quarts d’artichaut, les anneaux de calamar, les crevettes, l'ail des ours finement ciselé, le poivron découpé en petits cubes et l'oignon finement émincé, tout en prenant soin de bien tous les répartir
  • Verser le riz par dessus et finir d’arroser le tout avec le reste de l’huile
  • Saler (attention, le bouillon peut être très salé) et poivrer
  • Verser la moitié du bouillon de telle sorte que tout soit couvert (quitte à un peu « tasser ») et enfourner à 200°C
  • Laisser cuire de 30 à 45 minutes en complétant régulièrement avec du bouillon si cela devient trop sec
Les  « rapini » s'associent particulièrement bien aux artichauts dans cette recette facile à faire et idéale à partager lorsqu'on est nombreux...

mercredi 20 mars 2013

Surprise déshydratée

On ne peut pas dire que cet hiver ait été favorable à ma ligne, c'est plutôt même le contraire, tendance catastrophe ! Avec l'arrivée du printemps, me voilà donc parti à la reconquête de mon tour de taille.

Pour compenser les bonnes petites préparations comme les pains de mon précédent billet, je me suis donc mis aux soupes en cherchant à leur donner de la consistance, sans pour autant apporter trop d'aliments riches... Parti à la recherche de ces ingrédients miracle, c'est dans mes placards que j'ai trouvé mon bonheur.

Avec plusieurs bocaux pleins à craquer de champignons séchés, j'ai déjà une bonne base : plein de saveurs, du volume (une fois les champignons réhydratés) et surtout très peu de calories. Aujourd'hui, c'est sur un cocktail composé de chanterelles en tube, de laccaires laqués et de quelques trompettes de la mort que j'ai jeté mon dévolu. Récoltés en Franche Comté l'automne dernier, malgré des prélèvements réguliers pour différentes préparations (bien moins diététiques), il m'en reste encore une bonne quantité (merci Vincent pour nous avoir fait profiter de ton coin !)
Chanterelle en tube (craterellus tubaeformis), laccaire laqué (laccaria laccata) et trompettes de la mort (craterellus cornucopioides). Ces trois espèces-là se sèchent très bien.
Mais seuls dans de l'eau chaude, ces champignons auraient été bien tristes. Et c'est là que le hasard fait bien les choses : à côté des bocaux se trouvait une boite que j'avais presque oubliée. Celle-ci patientait depuis environ deux mois.
Laitue de mer (ulva lactuca), au milieu du poivre de mer
et du carragheen. Séchée et réduite en poudre, c'est un
condiment qui apporte une surprenante saveur iodée.
Depuis le jour où revenant de Bretagne avec quelques douzaines d'huîtres sauvages de belle taille, je m'étais décidé à tester un procédé de conservation peu utilisé chez nous pour ce coquillage, mais très utilisé en Asie : la dessiccation. J'avais dû pour cela en ouvrir 5 douzaines (voire un peu plus car je n'avais pas pu résister à en déguster quelques-unes sur le moment).
Pochées rapidement dans leur eau, je les avais ensuite passées au dessiccateur, pour finalement les stocker dans une boite, recouvertes de gros sel. L'eau de cuisson, filtrée, réduite, liée à la fécule et adoucie avec juste un peu de sucre, m'avais aussi permis de confectionner ma première sauce d’huîtres maison : presque le même goût que celle qu'on achète en bouteille dans les épiceries asiatiques, mais un peu plus salée.


Pour continuer sur le côté iodé, j'ai également sorti un pot de laitue de mer séchée et réduite en poudre. Très iodée, c'est une algue à utiliser avec parcimonie... mais qui apporte une saveur incomparable.
Ail des ours (allium ursinum). Aussi étonnant que cela paraisse, certains de ces
plants hébergent déjà une fleur en bouton enveloppé par les pétioles des feuilles.
Après tous ces composants déshydratés, il me manquait encore quelque-chose d'un peu plus frais, et cette fois-ci, c'est dans le réfrigérateur que je suis allé le chercher : un reste d'ail des ours cueilli ce week-end.

Soupe très parfumée aux huîtres, champignons des bois, laitue de mer et ail des ours
(quel cocktail !)
Ingrédients (pour 4)

  • 4 poignées de champignons séchés par personne
  • 2 douzaines d’huîtres séchées (à ajuster selon leur taille, dans mon cas, il s'agissait d'huîtres correspondant à des calibres 1 ou 0, c'est à dire grosses)
  • 2 poignées de feuilles d'ail des ours et éventuellement quelques fleurs en bouton
  • 1 cuillère à soupe rase de laitue de mer séchée réduite en poudre
  • 1 cuillère à soupe de sucre en poudre
Préparation :

  • Rincer rapidement les champignons et les huîtres à l'eau claire
  • Les placer dans une casserole avec 150cl d'eau et le sucre
  • Lancer la cuisson à couvert sur feu doux pendant deux bonnes heures (les huîtres mettent du temps à se réhydrater)
  • Juste avant de servir, ajouter l'ail des ours finement ciselé et couper le feu
  • Rectifier l'assaisonnement en rajoutant éventuellement un peu de sel (selon la quantité déjà apportée par les huîtres)

Tout en ayant bien parfumé le bouillon, les huîtres ainsi préparées ont pris une texture assez inhabituelle, plutôt tendre, voire même fondante. Et parfois, il peut même arriver qu'on tombe sur un cadeau surprise : une perle ! Celle dans laquelle j'ai croqué faisait bien au moins 2mm !
Ça ne m'était encore jamais arrivé, d'autant que les huîtres perlières sont d'un genre biologique différent de celui des huîtres creuses.
Une "énorme" perle d'au moins 2mm en forme de goutte !
Elle n'a pas le nacré de celle des huîtres perlières, mais
c'est quand même amusant de tomber dessus.

dimanche 17 mars 2013

Arriverait-il ?

Après ce qui était (il faut l'espérer) un dernier baroude d'honneur de l'hiver, le printemps semble enfin décidé à se monter. A quatre jours de son arrivée officielle, sous les giboulées, les signes annonciateurs ne trompent pas :
Perce-neiges (galanthus nivalis, toxique). Bien que possédant de très belles fleurs,
on évitera de cueillir cette plante qui est même protégées dans quelques
régions françaises.
Tout d'abord, déjà présentes depuis quelques temps, les fleurs blanches des perce-neiges sont maintenant partout de sortie. Ce symbole de la fin de l'hiver n'est malheureusement pas comestible du fait de ses propriétés émétiques. Autrefois, son bulbe était d'ailleurs utilisé en décoction comme vomitif.

Ail des ours (allium ursinum).
Comme souvent, celui-ci forme de véritables tapis.
Ensuite, LA plante sauvage symbolique du printemps pour les amateurs de cuisine sauvage : l'ail des ours est enfin sorti de son hibernation et les toutes récentes chutes de neige ne semblent pas avoir découragé son retour.

C'est la meilleur période pour le cueillir, lorsque ses feuilles sont encore bien tendres. On entend souvent dire qu'il ne faut pas le confondre avec le muguet (toxique), et c'est vrai. Mais celui-ci arrive en général plus tard, ce qui n'est pas le cas d'autres plantes comme la mercuriale annuelle  et l'arum tacheté.

Bien que moins ressemblantes, la mercuriale annuelle (mercurialis annua) et l'arum tacheté (arum maculatum), tout deux toxiques, ont une fâcheuse tendance à s'incruster au beau milieu des grands tapis verts formés par l'ail des ours.
Mercuriale annuelle (mercurialis annua, toxique). Au milieu d'un
bouquet d'ail, on aurait vite fait de la cueillir involontairement !
Heureusement, ses feuilles sont légèrement dentelées et les
fleurs sont très différentes de celles de l'ail des ours.
Arum tacheté (arum maculatum, toxique). La forme sagittée
de ses feuilles permet de ne pas se faire avoir.
Moins connu (quoi que...), le tussilage est lui aussi sorti de terre. Seules ses fleurs, au sommet de tiges épaisses et écailleuses, ont osé montrer se montrer. Il faudra encore un ou deux mois pour que celles-ci égrainent et que les feuilles finissent par apparaître. C'est juste avant que les fleurs n'éclosent que je les préfère, avec leur tige encore tendre et juteuse, exprimant leur inattendue saveur aux évocations de résine.
Beaucoup de fleurs sont encore en bouton, mais le tussilage (tussilago farfara)
lui aussi est arrivé. Sa tige écailleuse et l'absence de feuilles sont les caractéristiques
qui rendent cette plante facilement identifiable dès ses premiers jours.
Et pour marier les feuilles de l'un avec les fleurs de l'autre, c'est une spécialité de la ville chinoise de Xi'an qui m'a donné l'inspiration : le petit pain farci. Mais alors que la farce de la recette originale est à base de viande de porc et de bouillon, celle que je vous propose est presque végétarienne (à l'exception du beurre).



Petits pain farcis à l'ail des ours et au tussilage

Ingrédients :

  • 300g de farine (type 55 dans mon cas)
  • Environ 20cl d'eau tiède
  • 1 sachet de levure déshydratée
  • 1 à 2 cuillères à soupe d'huile neutre (tournesol, pépins de raisin)
  • 100g de feuilles d'ail des ours (deux bonnes poignées)
  • 100g de fleurs de tussilage (boutons, fleurs ouvertes avec la partie tendre de leur tige)
  • 50g de poudre d'amande
  • 1 cuillère à café bombée de sucre
  • 80g de beurre
  • Sel

Préparation :

  • Dissoudre la levure dans l'eau tiède (attention, elle ne doit pas être trop chaude, au risque de tuer les levures)
  • Verser une cuillère à café rase de sel dans la farine et mélanger de sorte que le sel soit bien réparti
  • Verser ensuite les 2/3 du liquide dans la farine et mélanger
  • Tout en pétrissant, compléter en rajoutant encore un peu de liquide (selon la farine, une partie du liquide peut être inutile) pour obtenir une pâte souple qui ne colle plus aux doigts
  • Former une boule, l'enduire d'un peu d'huile sur toute sa surface et laisser la pâte reposer à température ambiante (voire un peu plus chaud)
  • Une heure plus tard, le volume du pâton doit avoir au moins triplé
  • Le pétrir à nouveau pour lui faire perdre la moitié de son volume, reformer une boule, l'enduire légèrement d'huile et laisser à nouveau la pâte reposer pendant au moins une heure
  • En attendant, bien laver, puis égoutter les plantes
  • Hacher l'ail des ours très finement
  • Faire fondre les 2/3 du beurre dans une poêle
  • Y faire suer l'ail à feux moyen (le but étant d'évaporer une bonne partie de l'eau de la plante, sans trop l'assécher)
  • En fin de cuisson, y intégrer la poudre d'amande et réserver
  • Recommencer en faisant suer les fleurs de tussilage (entières) dans le reste du beurre et ajouter le sucre en fin de cuisson (il doit juste fondre, sans caraméliser)
  • Réserver (sans mélanger à l'ail) et laisser tiédir
  • 45 minutes avant la dégustation, préchauffer le four à 180°C
  • Diviser la boule de pâte, le tussilage et l'ail des ours en 6 portions égales
  • Pour chaque petit pain, prendre un pâton et l’aplatir dans la main pour obtenir un disque d'une douzaine de centimètres de diamètre (attention de conserver de l'épaisseur au centre)
  • Y placer une portion d'ail et une de tussilage bien au centre en évitant de les mélanger (cela aurait pour effet de noyer la saveur du tussilage dans celle de l'ail)
  • Refermer les bords en les soudant de manière hermétique tout en évitant de trop capturer d'air dans le pain
  • Bien aplatir chaque pain pour qu'il ne dépasse pas 3cm d'épaisseur
  • Les placer soudure en base sur une feuille de papier cuisson et enfourner pour 20 à 25 minutes
  • A déguster tiède : très chaud, c'est l'ail qui prend le dessus, plus froid, c'est le tussilage...
Certain(e)s pourraient trouver que cette recette est plutôt grasse, mais c'est ce qui lui évite d'être trop sèche. On pourrait toutefois remplacer une partie du beurre par du fromage ou des lardons (préalablement cuits).

lundi 4 mars 2013

L'âme poète

Le long des chemins de campagne,
Dans les prairies, sur les rivages,
Va t'en cueillir ces salades sauvages,
Que chaque hiver, la neige épargne.
Pissenlit (taraxacum officinale)

Pissenlits, ficaires et autres primevères,
Pour eux, le compte à rebours a commencé,
Car très bientôt deviendront trop amères,
Coriaces aussi, leurs feuilles auront viré.
Ficaire fausse renoncule (ranunculus ficaria)

Pourtant, même si tu manques l’occasion,
Peu de temps tu regretteras ton indécision,
Car au dessus des feuilles que tu dédaignas,
Viendront de belles fleurs que tu apprécieras.
Coucou des bois (primula eliator)

Au milieu de leurs rosettes, seul le lamier,
Ses fleurs pourpres a déjà déployées.
Mais dès à présent, si prévoyant tu as été,
En salade tu pourras tous les goûter.
Lamier pourpre (lamium purpureum)

Sans pousser jusqu'aux alexandrins,
Je me suis contenté de simples quatrains.
Simples comme cette agréable assiette,
Dont je n'ai laissé aucune miette !
Salade sauvage d'hiver aux oreilles de cochon laquées.
À accompagner d'une petite vinaigrette au miel.

Note : La ficaire est légèrement toxique du fait de la présence en faibles quantités de protoanémomine (irritante) et de saponines (hémolytiques). Jeune (avant floraison), elle ne contient presque aucune de ces deux substances. À savoir : la dessiccation ou la cuisson détériorent la protoanémomine, la rendant inoffensive.
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