mardi 30 septembre 2014

De bien étranges gallinacées

Avant ces récentes, mais intenses averses, le sol des forêts alentour était bien sec et ce depuis plusieurs jours. On était donc loin, ce week-end, des conditions idéales pour trouver des champignons.
Les premières châtaignes commencent à tomber. Elles sont petites,
mais tellement bonnes... attention à vos doigts en ouvrant les bogues !

Samedi, lorsque je me suis aventuré dans les bois, c'était donc plutôt les châtaignes que je ciblais.

Malgré tout, j'espérais bien pouvoir trouver quelque chose d'autre à ramener dans mon panier. Et pour cela, j'avais une botte secrète en réserve. Celle-ci m'incitait à papilloner de chêne en chêne, de pin en pin, me concentrant sur les plus âgés et faisant méticuleusement le tour de chacun...

... un bien étrange manège pour qui aurait observé la scène, avec une idée précise en tête : au pied de ces arbres, il est en effet possible de trouver diverses espèces de champignons puissant leurs principales ressources chez leur hôte plutôt que dans le sol. Profitant de cette "assistance", ces parasites peuvent alors se développer sans dépendre des aléas climatiques tels que deux semaines de temps presque sec.

Certes, me direz-vous, mais pourquoi-donc le titre parle-t'il de gallinacées ?

Je vous répondrais alors que c'est tout simplement une histoire de poules et de coqs.

De poules tout d'abord, car l'une des espèces que j'espérais trouver au pied des chênes est souvent appelée "poule des bois"...

Poule des bois, polypore en touffe (grifola frondosa).
Ses innombrables chapeaux sont d'un beau gris souris velouté sur le dessus, alors que la face intérieure, couverte de pores, est d'un blanc immaculé. Lorsqu'il vieillit, le gris vire au brun et le blanc prend une teinte crème, signe qu'il est trop tard pour le ramasser. A noter que le chêne est son arbre de prédilection. Il ne pousse pas à même le tronc, mais préfère se brancher au plus près de la source des nutriments : sous terre, directement sur les racines. Au Japon, où il est appelé "maitake", c'est un champignon assez recherché en particulier pour les propriétés médicinales qu'on lui prête. Il a aussi l'avantage de pouvoir être cultivé avec un énorme rendement puisque dans de bonnes conditions, un seul spécimen peut atteindre plusieurs dizaines de kilos.

De coqs ensuite, car au pied des pins, c'est après les "crêtes de coq" que j'en avais...

Crête de coq, sparassis crépu, clavaire crépue, morille des pin, chou-fleur (sparassis crispa).
Elle, ce sont les pins qu'elle préfère, de manière totalement exclusive. A leur pied, elle peut former un enchevêtrement de circonvolutions de plusieurs kilos. Inconvénient de cette forme inhabituelle : le nettoyage, car entre la terre, les brindilles et les insectes, c'est fou tout ce qu'on peut trouver à l'intérieur ! À noter qu'un de ses cousins à l'allure proche, le sparassis à pied court (sparassis brevipes syn. sparassis. laminosa), préfère lui les feuillus. Mais ce dernier est moins intéressant du point de vue culinaire (bien que généralement donné comestible).

Finalement, ce sont deux petites "poules" (un peu plus d'un kilo à elles-deux) et quelques "coqs" (presque deux kilos pour une demi-douzaine de crêtes) que j'ai ramenés dans mon panier... de quoi préparer plein de bonnes choses en les combinant...

Il a tout d'abord fallu s'occuper des crêtes de coq : après le nettoyage, au cours duquel j'ai esssayé de ne pas les réduire en miette, il m'a suffit de les passer 5 minutes dans de l'eau bouillante salé pour qu'ils soient prêts à être utilisés. Mais déjà, rien que comme ça, ça vaut le coup là d'en goûter un morceau, nature, tout simplement : on y retrouve les arômes du pin, de manière assez discrète, mais certaine.

Pour la poules des bois, ce fut beaucoup plus simple : souvent plus propre, elle embarque peu de terre dans les espaces entre de ses nombreux petits chapeaux et un "dépoussiérage" avec un simple pinceau sec suffit à la nettoyer.

Et finalement, je suis passé aux choses sérieuses ...


"Burger" de poule des bois et crête de coq.
Pour chaque "burger", le steak est remplacé par une belle et épaisse lamelle de polypore (2 cm environ) découpée sur tout sa hauteur, dorée lentement à la poêle sur ses deux faces dans un fond d'huile d'olive et de beurre. On rajoute par dessus des morceaux de crête de coq déjà cuits à l'eau, puis revenus rapidement à la poêle avec un peu de crème, de vin blanc sec, une cuillère à café de sucre, un pincé de sel et deux tour de moulin à poivre. Pour finir, ajouter un peu d'oignons confit, de la salade et une fine tranche d'Emmental...
Ça, c'est pas du "Mac-Do" !

Poule des bois croustillante, sauté de crêtes de coq, poule des bois et châtaignes à la crème.
Découper de fine lamelles (0,5 cm environ) aussi larges que possible au centre de la poule des bois. Les cuire à la poêle dans un fond d'huile d'olive jusqu'à ce que le champignon prenne une couleur caramel et une texture croustillante. En parallèle, peler les châtaignes avant de les cuire quelques minutes dans un bouillon de volaille. Ajouter quelques morceaux effilochés de poule des bois crue ainsi que des morceaux de crête de coq déjà cuite à l"eau. Laisser réduire sans remuer pour finalement incorporer hors du feu une bonne cuillère à soupe de crème épaisse, un peu de sel et de poivre. Dresser en évitant de recouvrir les lamelles avec la crème afin de préserver leur croustillant. Finaliser avec une pincé de fleur de sel.

mardi 23 septembre 2014

Piquant, oui, mais...

Ce sont des silhouettes très familières que celles-ci. Mais on est plus souvent habitué à les voir orner les jardins...


Mais oui, il s'agit bien d'un yucca (ici, probablement yucca gloriosa) ou plus précisément d'un groupe de yuccas. Originaire d'Amérique centrale, cette plante peut en effet se retrouver naturalisée dans les zones sableuses du littoral français. Et c'est justement sur une de ces zones que nous sommes tombés.

On voit tout de suite que les "rosettes" (je ne sais pas trop comment les appeler autrement) ne sont pas toutes jeunes. Elles sont situées en haut d'un "tronc" allant de 50 cm à presque 1 m pour les plus hautes. Celui-ci monte en effet au rythme de chaque nouvelle génération de feuilles apparaissant au centre de manière presque continue, poussant les plus vieilles vers l'extérieur et la rosette vers le haut.

Au centre de la plupart de ces rosettes, on trouve une hampe florale. Dans notre "coin", on y trouve tous les stades d'évolution, mais c'est en voyant les plus jeunes qu'on devine l'appartenance des yuccas à la famille des asparagacées (qui compte aussi parmi ses membres les asperges). Parfois, comme ici, la hampe est tellement jeune qu'elle n'est pas visible de l'extérieur. Il faut alors la dégager (attention, ça pique !) pour trouver une tige presque dépourvue de chlorophylle.

Mais lorsque ces hampes ont fleuri, puis fané, il ne reste souvent plus que les squelettes séchés de celles-ci.... et quelques petits escargots ! Pas de fruit malheureusement : En l'absence de ses insectes pollinisateurs spécifiques, seule une fécondation "assistée" fonctionnerait (à se demander comment il a pu se naturaliser en certains endroits).

Et en plus, le yucca est comestible ! Pas ses feuilles bien entendu, rigides, fibreuses et surtout terminées par un aiguillon plutôt dangereux... mais avec de si belles hampes aux allures d'asperges géantes, devinez ce qu'on peut faire...

Jeunes hampes de yucca vertes cuites à l'eau salée pendant 5 minutes, puis tout de suite rafraîchies à l'eau salée. Les fleurs elles-aussi ont été blanchie, mais juste une petite minute. On peut les déguster crue, mais elles ont parfois une texture irritante pour la gorge (dépend des personnes), qui disparaît avec la cuisson. Au niveau du goût, rien à voir avec les asperges : il rappelle plutôt celui des cœurs d'artichaut en plus doux et étonnamment sans fibre. A accompagner d'une bonne mayonnaise.

Très jeune hampe de yucca (une encore blanche, comme celle de la troisième photo) découpée crue en fines lamelles. Accompagnée de copeaux de jambon séché et de parmesan, d'un filet d'huile d'olive et d'un peu de poivre : la saveur sucrée, légèrement amère aux évocations de réglisse explose en bouche... un délice malheureusement à réserver à ceux que le yucca cru n'irrite pas !

vendredi 12 septembre 2014

P'tites poires

Ces "p'tites poires", ce sont celles sur lesquelles nous sommes tombés en pleine promenade, au milieu des pins alors que nous longions le bord de mer : une rencontre totalement inattendue.

Un poirier, c'est certain et peut-être même un poirier sauvage (pyrus pyraster).

Très nombreuses sur les branches, les poires l'étaient tout autant au pied de l'arbre... signe de leur maturité.

N'écoutant que les gourmands qui sommeillaient en nous, nous avons chacun croqué dans un des petits fruits ... et avons tout recraché presque aussitôt. La chair est plutôt dure et acre : ces poires ne sont pas faites pour être dégustées telles-quelles.

Pas forcément très belles, les poires ramassées au sol sont pourtant les plus mûres.

Qu'à cela ne tienne... il n'y a qu'à les cuisiner !

Poires au vin poivré

Ingrédients (dessert pour 4) :
  • 12 petites poires
  • 50cl de vin rouge (un Crozes-Hermitage dans mon cas)
  • 100g de cassonade
  • 2 rouleaux de cannelle
  • 2 "chatons" de poivre long
  • 2 grains de poivre de Jamaïque
  • 1 peu de jus de citron
Préparation :
  • Verser le vin dans une petite casserole avec la cassonade et les épices
  • Porter le tout à ébullition et ajouter les poires préalablement pelées (tout en conservant leur tige) et badigeonnées au jus de citron
  • Cuir pendant une vingtaine de minute à couvert en maintenant le frémissement
  • Mettre ensuite les poires de côté
  • Retirer les épices du liquide, monter le feu afin de faire réduire le liquide jusqu'à obtenir une consistance sirupeuse
  • Laisser le tout refroidir au réfrigérateur et servir froid

jeudi 4 septembre 2014

Ne pas se fier aux apparences

Et oui, les apparences sont parfois trompeuses... et les champignons sont là pour nous le rappeler...

Prenez par exemple les trompettes de la mort.
Si quelqu'un ne connaissant pas ces champignons en trouvait en forêt, on peut parier que sa première pensée serait du style : "Formes biscornues, couleur noire au dessus, aspect gris-moisi au dessous, en plus ils ne sont pas bien gros : je laisse !".
Et pourtant, il passerait à côté d'un trésor gustatif !

Trompettes de la mort (craterellus cornucopioides).
Avouez que comme nom, on pourrait trouver plus rassurant. Bon, en fait, c'est le cas car on l'appelle aussi "corne d'abondance" : un peu plus sympathique quand même.

A l'opposé, prenez l'amanite vireuse. D'un beau blanc immaculé, avec un beau chapeau bombé en forme d’œuf... qui irait imaginer en la voyant que sa toxicité égale celle de la mortelle (et cette fois ci, ce n'est pas une image) amanite phalloïde.

Amanite vireuse (amanita virosa), extrêmement toxique.
On la reconnait à sa couleur totalement blanche (chapeau, lames, pied, chair) et à son pied écailleux. Contrairement aux "trompettes de la mort," elle mérite totalement son nom d'"ange de la mort". En effet : consommée par une personne adulte, le seul spécimen de la photo suffirait à la tuer dans d'horribles souffrances.

Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut balancer des coups de pied dans tous les chapeaux blancs, car d'une part, c'est un geste totalement impardonnable (même dans le cas de champignons toxiques) et d'autre part, au même endroit et à la même période, on peut aussi trouver l'agaric des bois... qui lui est un comestible très goûteux...

Agaric des bois (agaricus silvicola), comestible.
Son odeur anisée (qu'il partage avec l'agaric des jachères, également comestible) est caractéristique. Ses lamelles sont légèrement colorées chez les jeunes spécimens et deviennent presque noires chez les plus vieux. Avec son anneau et la base bulbeuse de son pied, il est souvent pris pour une amanite et donc laissé de côté (il vaut mieux d'ailleurs que la confusion soit dans ce sens).

Mais attention encore, car toujours au même endroit, toujours à la même période, on peut le confondre avec l'agaric jaunissant, qui lui est toxique (bien que très loin du niveau de toxicité de l'amanite vireuse).

Agaric jaunissant (agaricus xanthodermus), toxique.
Comme son nom l'indique, le blanc de sa chair vire rapidement et franchement au jaune aux endroits où le champignon est blessé, voire simplement touché. A noter que l'agaric des bois lui aussi jaunit au contact (ou en vieillissant), mais l'odeur anisée de l'agaric des bois permet de faire la différence : celle de l'agaric jaunissant évoque plutôt l'encre ou le phénol (surtout s'il est cuit). De tout façon, en cas de doute, mieux vaut s'abstenir.

Finalement, sur les quatre espèces dont j'ai parlé ici, celle qui se révèle la plus sûre est celle qui de prime abord semblait pourtant la moins attirante...

Épeautre et quinoa aux trompettes de la mort,
façon risotto

Ingrédients (pour 4) :
  • 125g de grains d'épeautre  
  • 150g de quinoa
  • 75g de trompettes de la mort fraîches
  • 50cl de bouillon de volaille
  • 15cl de vin blanc sec
  • 5cl de crème entière
  • Quelques pincées de parmesan râpé
  • 2 bonnes cuillères à soupe d'huile d'olive
  • Sel et poivre
Préparation :
  • Dans une grande poêle sur feu vif, faire revenir dans l'huile l'oignon préalablement haché
  • Ajouter l'épeautre aussitôt que l'oignon devient translucide (il ne doit pas se colorer)
  • Bien mélanger de manière à napper les grains
  • Verser la totalité du vin blanc, un tiers du bouillon et les champignons hachés finement
  • Couvrir et laisser cuire à feu moyen pendant 20 bonnes minutes (ajouter un peu d'eau si cela devient trop sec)
  • Passé ce temps, ajouter le quinoa et continuer la cuisson à la manière d'un risotto, en mouillant progressivement avec le reste du bouillon (compter encore 10 à 15 minutes), jusqu'à ce que presque tout le liquide ait été bu
  • Incorporer ensuite le parmesan râpé ainsi que la crème et couper rapidement le feu
  • Rectifier l'assaisonnement (attention avec le sel : le bouillon et le parmesan en contiennent déjà)

De mon côté, j'y suis allé à fond sur la trompette en utilisant cette préparation pour accompagner des pavés de poisson en croûte de trompette (recette [ici]). Mais au final, c'est l'accompagnement qui est le plus goûteux !
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